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Le campement d’Hochelaga ou la cité des enfants perdus : De nombreux jeunes itinérants qui ont posé leurs tentes au boisé Steinberg sont des enfants de la DPJ devenus grands.

RADIO-CANADA / IVANOH DEMERS

Écrit par : Martin Ayotte

Le feu de camp a beau crépiter aux abords de la rue Hochelaga et son trafic constant, il porte à la confidence.

Alexandra Laramée a 23 ans, de grands yeux clairs, doux et tristes. Elle est assise sur un sac de couchage, la tête dans ses mains délicates. Hier, elle a assisté aux funérailles d’une amie, morte sous les roues d’un camion à ordures, au début d'avril. Elle aussi était dans la rue, dit-elle. Nous étions au même centre jeunesse.

Comme beaucoup de jeunes qui s'étaient installés dans le boisé Steinberg depuis quelques semaines, Alexandra est une enfant de la DPJ. Ma mère m’a abandonnée à 17 mois et demi avec mon frère dans le portique d’un édifice de la protection de la jeunesse, raconte-t-elle.

La DPJ, j’en suis sortie à 18 ans, mais ce n’est pas simple de se faire une vie ensuite. L’an dernier, j’ai passé l’été au camp Notre-Dame. Cette année, ce sera ici.

Il faut tous les adopter ces jeunes-là. Si la Ville ne veut plus de sans-abris, qu’on arrête, comme société, d’en produire, s’exclame Marie Larocque, qui couve d’un regard tendre celle qu’elle appelle avec tendresse la p’tite.

Je sais qu’ils sont majeurs et que ce ne sont pas des enfants, mais ils ont l’âge de mes enfants à moi. Ici, il y a beaucoup de jeunes adultes qui sortent du système de la DPJ. C’est ce que je veux dire quand je dis qu’il faut arrêter de produire des itinérants. Il faut s’en occuper avant qu’ils ne le deviennent, explique, enflammée, cette écrivaine un brin excentrique venue s'installer au camp d’itinérants pour vivre l’expérience de la communauté, de la liberté.

Sous son béret jaune en tricot, Larocque, 51 ans, mère de cinq grands enfants, grand-mère et auteure de livres qui lui ont valu un certain succès, parle avec enthousiasme de l’entraide entre les dizaines d’itinérants qui ont élu domicile dans ce boisé appartenant au ministère des Transports du Québec en y installant leurs tentes.

On parle beaucoup, on fait de la musique, on fait de la bouffe. Je leur ai fait une sauce à spaghetti bolognaise aux enfants, évoque-t-elle, en riant. J’ai moi-même vécu dans des familles d'accueil, les jeunes des centres jeunesse ne sont pas habitués à cuisiner. Je vois qu’il y en a certains à qui cela fait beaucoup de bien de vivre en communauté, de jour en jour. Ils parlent plus, sourient plus.


Allongé dans sa roulotte, Guylain Levasseur se repose avec son chien lové contre lui en attendant que la police vienne expulser les résidents du boisé Steinberg. L’homme dans la cinquantaine vit sans domicile fixe depuis cinq ans, dans cette roulotte sur laquelle flotte un drapeau mohawk.

Je ne suis pas Amérindien, mais je me fais subventionner par une station-service d’une réserve mohawk parce que j’aide les jeunes de la rue autochtones, dit-il.

Lui aussi observe le fait qu’un taux élevé des jeunes qu’il côtoie dans la rue sont issus du système de la DPJ. Il y en a un que je voyais souvent qui s’est suicidé récemment, me dit-il, songeur.

Des étudiants universitaires en appui
Un peu à l’écart du groupe de résidents du boisé Steinberg, quelques dizaines de jeunes militants en ce matin frisquet se sont massés. Nous sommes venus en solidarité avec nos voisins sans-abris. Le terrain n’est pas au Québec, ni au Canada, mais aux Premières Nations, déclare une jeune femme qui s’excuse de ne pas bien parler le français.

Elle refuse de me donner son nom, une réticence vis-à-vis des journalistes que l’on rencontre de plus en plus souvent chez des jeunes lors de ce type de manifestations au nom de la justice sociale. Elle nous dit toutefois étudier à McGill et être originaire de la côte ouest-américaine. Elle a 19 ans. Comme la plupart des manifestants présents, elle a répondu à l’appel d’associations de l’université anglophone pour venir appuyer les gens qui se sont installés au boisé Steinberg pour dormir.

Une jeune femme originaire de Seattle vit à Montréal, car elle est venue, elle aussi, étudier à McGill. Elle frissonne sous son masque, mais a des opinions fermes sur les rapports entre la police et les sans-abris.

Rachel Hoole est, elle, originaire de Toronto. Installée depuis quatre ans à Montréal, elle nous explique, en anglais, qu’elle tenait à mettre son corps entre la police et les sans-abris.

Assis par terre, un jeune militant qui refuse aussi de donner son nom me dit doucement : Mon père travaille pour la CBC à Toronto. J’ai beaucoup de respect pour les journalistes, mais vous ne devriez pas parler des manifestants, ce n’est pas ça le narrative, [récit, en français] qui doit sortir de cette histoire. Le jeune homme me contemple de ses grands yeux bleus amusés comme s’il donnait de sages conseils à un auteur de romans.

Déjà déménagés
Pour raconter l’évacuation de ce camp d’itinérants, des journalistes de tous les réseaux ont été déployés lundi. Caméramans, photographes, scribes étaient donc nombreux sur place dès le matin. Leurs camions identifiés remplissaient le stationnement adjacent. Or, tout le monde savait qu’il n’y aurait pas de scènes déchirantes comme celles que l’on a vues à la fin de l’été dernier au campement en bordure de l’autoroute Notre-Dame.

Les résidents du campement Hochelaga, sachant qu’on voulait les évacuer, ont prévu le coup et ont déménagé leurs pénates sur un autre terrain vague tout près de là, dimanche soir. Lundi matin, les itinérants sont rentrés au boisé Steinberg. Les militants sont venus les rejoindre, puis les journalistes.


En fin d’après-midi, la police est intervenue pour disperser les occupants qui étaient toujours là symboliquement. Mais l'histoire ne se terminera pas comme ça. Alexandra et ce qu’elle appelle sa famille iront réchauffer leurs matins autour d’un autre feu de camp, ailleurs.

Nous allons jouer au chat et à la souris tout l’été avec la police s’il le faut, me lance un résident. Marie Larocque imagine, elle, un joli camp. Des tentes plantées dans la terre du parc La Fontaine ou près des fleurs du Jardin botanique. Elle rêve de beauté pour ces jeunes adultes qui, malgré leur courte vie, n’en sont pas à leurs premiers déracinements.

 

 

 

Source : Radio-Canada │ Émilie Dubreuil




Dernière mise-à-jour de l'article : Mardi 04 mai 2021 à 09:13:57

Écrit par : Martin Ayotte



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